Révocation abusive : gérant de Sarl, dirigeant de SA

Révocation abusive : gérant de Sarl, dirigeant de SA La révocation d'un gérant de Sarl ou d'un directeur général ou président de SA peut être jugée abusive par les tribunaux. Les droits du dirigeant en cas de révocation abusive et la procédure pour obtenir des dommages et intérêts.

La révocation d'un gérant de SARL ou d'un dirigeant de SA est beaucoup moins protectrice pour ce dernier que le licenciement classique d'un salarié. Mais si les associés ont une certaine liberté pour le révoquer, le dirigeant a néanmoins des droits qu'il convient de respecter. Dans certains cas, le gérant ou le DG révoqué pourra ainsi saisir les tribunaux pour révocation abusive en vue de percevoir des indemnités.

Le juste motif de révocation est-il obligatoire ?

Fournir un juste motif n'est pas obligatoire pour procéder à la révocation d'un gérant de SARL. Mais la loi (art. L. 223-25 du Code de commerce) prévoit que la révocation sans juste motif peut donner lieu au versement de dommages et intérêts en faveur du gérant révoqué. Il est important de se référer aux statuts de la société car ceux-ci peuvent prévoir des règles particulières en la matière.

La loi affirme également le principe de libre révocabilité d'un dirigeant de société anonyme. Cependant, le droit dont dispose l'organe prononçant la révocation ne doit pas être exercé de manière abusive. Dans le cas contraire, la personne révoquée peut demander à toucher des indemnités du fait des circonstances dans lesquelles sa révocation est intervenue. Il convient ici de s'intéresser aux faits qui entourent la procédure et non pas à l'existence ou à l'absence d'un juste motif de révocation.

Faut-il toujours verser des indemnités en cas de révocation du dirigeant ?

La loi n'interdit pas expressément aux statuts d'exclure l'attribution de dommages-intérêts en cas de révocation sans juste motif. Il est donc possible de prévoir une clause statutaire excluant le versement de dommages-intérêts au gérant ou dirigeant que la révocation soit justifiée ou non.

Inversement, il est possible de prévoir dans les statuts le versement d'indemnités de départ dans tous les cas de révocation, que cette dernière soit fondée ou non sur un juste motif. Cependant, le montant des indemnités prévues ne doit pas représenter une charge financière trop importante car elle pourrait alors être de nature à dissuader la société de révoquer tout dirigeant. Dans ce cas, la clause prévoyant un tel montant serait réputée nulle. Mais dans le silence des statuts, c'est la loi qui s'applique : le gérant révoqué pourra alors toucher des indemnités si sa révocation est sans juste motif.

Quels sont les cas de juste motif de révocation ?

Le juste motif est apprécié au cas par cas par les tribunaux. Ceux-ci considèrent que la révocation ne peut être prononcée que s'il est démontré que l'action du gérant ou dirigeant de SA est de nature à compromettre l'intérêt social ou le fonctionnement de la société. En pratique, il est fréquent que les associés souhaitent révoquer le dirigeant du fait d'un désaccord avec la politique menée par ce dernier. Pour constituer un juste motif, cette divergence de vues doit reposer sur des critères objectifs : une inimitié entre le gérant et les associés de la SARL ne doit pas constituer à elle seule le motif de la révocation.

Une divergence entre le gérant et les associés concernant les mesures à prendre en vue de redresser la situation financière de la société peut, par exemple, constituer un juste motif de révocation (CA Paris, 17 janv. 2003).

En revanche, en cas de changement de majorité, la révocation d'un dirigeant n'est pas motivée lorsqu'elle est exercée uniquement en vue de nommer un nouveau dirigeant conforme au choix des nouveaux associés (Cass. com., 29 mai 1972).

Quels sont les cas de révocation abusive ?

En pratique, les tribunaux considèrent la révocation du gérant de Sarl ou du dirigeant de SA comme abusive dans l'un ou l'autre de ces cas :

  • lorsque la révocation a lieu dans des circonstances portant atteinte à la réputation ou à l'honneur du dirigeant ;
  • lorsque la révocation est décidée brutalement sans respecter le principe de la contradiction.

Qu'est-ce que l'atteinte à la réputation ou à l'honneur ?

Il y a atteinte à la réputation ou à l'honneur du gérant lorsque les circonstances entourant la révocation apparaissent vexatoires ou injurieuses. C'est le plus souvent le cas lorsque la décision est prise dans des conditions brutales qui peuvent laisser supposer que le dirigeant a commis des fautes graves. Cette atteinte peut également être constituée lorsque la révocation est soumise à une publicité malveillante à l'attention du personnel et de personnes étrangères à la société. Il en est de même notamment lorsque le gérant fait l'objet d'un dénigrement auprès des salariés de l'entreprise.

Exemple : lorsque le dirigeant est obligé de quitter le magasin où il travaillait sans aucun délai et avant même que sa révocation ne soit prononcée (chambre commerciale de la Cour de Cassation, arrêt du 15 juillet 1982).

Mais le débat portant sur la révocation du gérant suppose nécessairement une confrontation de points de vue et d'arguments. Ainsi, la critique des agissements du dirigeant au cours de l'assemblée des associés est généralement interprétée par les tribunaux comme des propos nécessaires à la discussion sur la gestion. Attention cependant pour les associés à ce que d'éventuels propos désagréables émis à l'encontre du dirigeant ne se transforment pas en injures.

En quoi consiste le non-respect du principe du contradictoire ?

Le gérant de Sarl ou le dirigeant de SA en passe d'être révoqué doit pouvoir se défendre par le biais d'un débat contradictoire avec les associés. Ce respect des droits de la défense suppose notamment :

  • que le gérant prenne connaissance des griefs qui lui sont reprochés avant la décision de révocation ;
  • qu'il soit mis en mesure de présenter ses observations à l'assemblée ;
  • que la désignation du nouveau dirigeant n'intervienne pas avant la décision officielle de révocation de l'ancien.

Il a été jugé qu'un dirigeant de SARL recevant sa lettre de convocation 11 jours avant la tenue de l'assemblée générale devant statuant sur sa révocation avait disposé d'un délai suffisant pour présenter ses observations (arrêt de la cour d'appel de Versailles rendu le 19 janvier 2016).

Comment se calculent les indemnités de révocation du dirigeant ?

Les dommages et intérêts sont en principe versés par la société. Cependant, si dans les faits il s'avère que le préjudice subi par le gérant est dû personnellement à un ou plusieurs associés, alors ces derniers sont susceptibles de devoir l'indemniser. Que la révocation soit abusive ou sans juste motif, les dommages-intérêt à verser au gérant doivent être calculés en fonction du préjudice subi. C'est au juge de fixer le montant des indemnités. La somme ne sera pas nécessairement égale à la rémunération que le dirigeant aurait dû percevoir entre la date de sa révocation et celle de l'arrivée du terme. En cas de révocation abusive, les indemnités sont déterminées au cas par cas en fonction du préjudice subi et ne peuvent être fixées de manière forfaitaire.

La Cour de Cassation (Cass. com., 23 octobre 2007, concernant le président d'une société par actions simplifiée (SAS) a ainsi annulé un arrêt de cour d'appel ayant prévu un dédommagement par une allocation forfaitaire et totale représentant un an de salaire.

En cas de révocation sans juste motif, il est à noter que les statuts ou une convention conclue entre le gérant et la société peuvent néanmoins fixer au préalable le montant de l'indemnité à verser au gérant.

Les indemnités perçues par le dirigeant bénéficient partiellement d'une exonération des cotisations sociales, de la CSG et de la CRDS. Les limites de cette exonération sont les mêmes que celles fixées pour les indemnités de licenciement.