Tutelle : définition et droits et devoirs du tuteur

"Tutelle : définition et droits et devoirs du tuteur"

La tutelle est très encadrée par la loi en raison de ses importants effets juridiques. La définition d'une tutelle et le point sur les droits et les obligations du tuteur.

Qu'est-ce que la tutelle ?

La tutelle est une mesure judiciaire prise à l'égard d'une personne ayant perdu son autonomie en vue de la protéger elle et son patrimoine. Elle confère ainsi à un tuteur le pouvoir de la représenter dans les actes de la vie civile. La protection d'une personne sous tutelle est décidée en raison d'une altération de ses facultés mentales ou de son incapacité à exprimer sa volonté.

La tutelle entraîne une mention portée en marge de l'acte de naissance de la personne protégée. Le juge peut nommer un ou plusieurs tuteurs, généralement choisis parmi la famille et les proches. En raison de ses conséquences juridiques, le régime de tutelle est très encadré par la loi. Les articles 425 et suivants du Code civil ainsi que les articles 1211 et suivants du Code de procédure civile régissent ses règles de fonctionnement.

Quels sont les pouvoirs du tuteur ?

Les droits et pouvoirs du tuteur en charge de la personne protégée dépendent de la nature des actes envisagés. L'étendue et les limites des pouvoirs de représentation du tuteur reposent sur une distinction entre les actes conservatoires, les actes d'administration et les actes de disposition. Le tuteur a la possibilité d'accomplir seul un nombre important d'actes au nom de la personne sous tutelle. Notamment et entre autres :

  • les actes conservatoires, c'est-à-dire ceux visant à sauvegarder le patrimoine ou à soustraire un bien à un péril imminent ou à une dépréciation inévitable sans compromettre aucune prérogative du propriétaire. Exemples : la réalisation de réparations urgentes sur un immeuble ou une action en justice visant à interrompre une prescription.
  • les actes d'administration, c'est-à-dire ceux d'exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne protégée qui ne présentent aucun risque pour ce patrimoine. Exemples : la perception de revenus, la réalisation de travaux d'entretien dans le logement, l'acceptation d'une succession à concurrence de l'actif net, etc.

En revanche, le tuteur a besoin d'une autorisation du juge (ou du conseil de famille lorsqu'il en a été nommé un) pour les actes de disposition. Ces actes sont ceux qui engagent le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l'avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une atteint durable aux droits de la personne protégée. Exemples : l'achat et la vente d'un immeuble, l'ouverture d'un nouveau compte ou livret au nom ou pour le compte de la personne protégée, ou encore la renonciation à un legs ou à une succession.

Par ailleurs, le tuteur doit agir dans le seul intérêt de la personne protégée. D'où un certain nombre d'interdictions parmi lesquelles l'impossibilité de conclure un contrat de travail avec l'intéressé ou de louer ou d'acquérir lui-même ses biens.

Acte d'administration et acte de disposition

En pratique, la distinction entre un acte d'administration et un acte de disposition peut parfois s'avérer difficile. A ce titre, deux tableaux permettant d'établir une classification concrète entre ces deux catégories d'actes figurent en annexe du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle. A titre informatif, le tableau ci-dessous reprend une liste de ces distinctions pour certains actes les plus courants.

Liste d'actes administration et de disposition en cas de tutelle
Actes d'administration Actes de disposition
Résiliation du bail d'habitation en tant que bailleur  Acceptation d'une promesse de vente immobilière
Ouverture d'un premier compte ou livret au nom ou pour le compte de la personne protégée Ouverture de tout nouveau compte ou livret au nom ou pour le compte de la personne protégée
Perception des revenus Demande de carte bancaire de crédit
Acceptation d'une succession à concurrence de l'actif net Acceptation pure et simple d'une succession 
Toute action en justice relative à un droit patrimonial de la personne sous tutelle Toute action en justice relative à un droit extrapatrimonial de la personne sous tutelle
Conclusion ou renouvellement d'un contrat d'assurance de biens ou de responsabilité civile Demande d'avance sur contrat d'assurance 
Mesures conservatoires Saisie immobilière
Acceptation de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie sans charge Acceptation de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie avec charges
Conclusion et rupture d'un contrat de travail en qualité d'employeur ou de salarié Versement de nouvelles primes sur un contrat d'assurance-vie
Paiement des dettes Conclusion d'un contrat de crédit

Actes de la personne protégée

En principe, si la personne protégée effectue seul un acte relevant de la compétence du tuteur, cet acte est automatiquement considéré comme nul. En revanche, l'intéressé conserve néanmoins des droits dans la mesure où son état lui permet de les exercer. C'est principalement le cas en ce qui concerne certains actes à caractère personnel, tels que la déclaration de naissance d'un enfant par exemple. C'est aussi naturellement le cas de nombreux actes de la vie courante : courses, transports, envoi de courrier... à ce titre, une somme peut être allouée de façon périodique par le tuteur. Le majeur protégé dispose également du droit de vote dans les mêmes conditions que les autres personnes.

Mariage et divorce

Une personne sous tutelle peut se marier sans avoir à obtenir une autorisation préalable du juge ou du conseil de famille. Mais les futurs époux doivent informer le tuteur de leur projet de mariage (article 460 du Code civil). Si le tuteur s'oppose au mariage, il devra saisir le juge. Dans le même sens, la personne sous tutelle peut divorcer. Mais elle sera représentée par son tuteur au cours de la procédure de divorce.

La personne placée sous tutelle peut également conclure un Pacs. Il est alors assisté de son tuteur pour signer la convention de Pacs (article 462 du Code civil).

Comment demander une tutelle ?

La demande de mise sous tutelle d'une personne suit plusieurs étapes. Voici la procédure et les formalités à suivre en vue d'obtenir une décision favorable du juge des contentieux de la protection.

Quelles sont les formalités à accomplir ?

Avant toute chose, vous devez choisir quel régime convient le mieux à la personne que vous souhaitez voir protégée. Il est donc nécessaire de bien comprendre la différence entre la tutelle et la curatelle, qui sont deux régimes aux effets distincts. Une fois votre choix fait, il faut adresser une demande écrite au juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire ou de proximité de la résidence habituelle de la personne concernée par la mesure. En pratique, la durée d'une procédure de demande de tutelle est assez longue. La procédure d'habilitation familiale est ainsi préférable quand c'est possible afin de simplifier les démarches à suivre et accélérer la procédure.

Quelles sont les conditions à remplir ?

La personne elle-même, un de ses parents ou alliés, un conjoint, un partenaire d'un Pacs ou un concubin peuvent chacun émettre cette demande. Il en est de même pour toute personne entretenant des liens étroits et stables avec l'intéressé. Par ailleurs, le procureur de la République ainsi que la personne exerçant déjà une mesure de protection à l'égard de la personne concernée peuvent également formuler ce type de demande.

Quelles pièces joindre à la demande ?

Avant d'adresser une demande, il convient d'obtenir préalablement un certificat médical rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République. Le coût de ce document s'élève à 160 euros. L'intervention du médecin vise à évaluer l'altération des facultés de la personne ainsi que l'évolution prévisible de son état. Le certificat doit nécessairement être joint à la demande. La requête doit également contenir les éléments suivants :

  • l'identité de la personne à protéger et l'énoncé des faits qui appellent cette protection ;
  • les éléments portant sur la situation familiale, financière et patrimoniale de l'intéressé, ainsi que les coordonnées de ses proches et de son médecin traitant lorsque le requérant les connait.

Pour rédiger le courrier, il est possible d'utiliser un modèle de lettre de demande de mise sous tutelle. Lorsque le dossier est complet, il est transmis au juge qui examinera alors son contenu.

Quels sont les délais d'instruction ?

Une phase d'instruction du dossier par le juge débute à compter de la réception de la demande. Elle est d'une durée moyenne de 6 mois. Pendant cette période, le juge pourra notamment procéder à l'audition de la personne concernée par la mesure, demander une enquête sociale, ou entendre les proches de l'intéressé. Le dossier est ensuite transmis au procureur de la République pour avis, en respectant le délai minimum d'un mois avant la date du jugement.

Le jour de l'audience, le juge entendra le demandeur. Il en fera de même avec la personne concernée quand celle-ci est en état d'exprimer sa volonté et lorsque cette audition ne risque pas de porter atteinte à sa santé. Le juge doit prendre sa décision dans un délai maximal d'un an à compter de la demande. Il peut rejeter cette dernière ou décider de prendre la mesure de protection qu'il estime la plus adaptée entre la tutelle, la curatelle ou la simple sauvegarde de justice.

Peut-on contester la décision du juge ?

Sauf exception, la décision du juge est notifiée à l'intéressé, à la personne qui a fait la demande de mise sous tutelle ainsi qu'à la personne en charge de la protection. Cette notification prend la forme d'un courrier envoyé en recommandé avec avis de réception. On peut alors faire appel de cette décision dans un délai de 15 jours. A l'issue de cette période, le jugement devient définitif.

Quel est le rôle du conseil de famille ?

Le conseil de famille est l'assemblée de parents ou de personnes qualifiées dont le rôle consiste, sous la présidence du juge des contentieux de la protection (JCP), à autoriser ou non certains actes accomplis au nom d'un mineur ou d'un majeur sous tutelle. Le conseil de famille est plus généralement chargé de contrôler la gestion du tuteur. Il est composé de 4 à 6 membres désignés par le juge pour la durée de la tutelle. Lors d'une réunion suite à une convocation du juge, le conseil de famille ne peut valablement délibérer que si la moitié au moins de ses membres sont présents ou représentés.

Quelle est la durée d'une tutelle ?

Le juge fixe également la durée de la mesure, qui ne peut pas excéder 5 ans. A l'expiration de ce délai, il aura la possibilité de renouveler la tutelle. Cette durée maximale peut être portée à 10 ans si le médecin constate que l'altération des facultés du majeur protégé n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration.

Un majeur sous tutelle a-t-il le droit de vote ?

Un majeur sous tutelle a le droit de vote. Il s'agit d'un droit reconnu par la loi et l'article L. 72-1 du Code électoral. Le juge des contentieux de la protection n'a pas la possibilité de le priver de ce droit. Le majeur sous tutelle peut donc voter aux élections au même titre que n'importe quel autre électeur inscrit sur les listes électorales, à ceci près que la loi encadre les conditions applicables à sa procuration de vote. La personne sous tutelle ne peut pas donner procuration à son tuteur pour voter à sa place. Elle ne peut pas non plus donner procuration à une personne travaillant dans les établissements sociaux, médico-sociaux et sanitaires qui l'accueillent.

Quelle est la différence entre une tutelle et une curatelle ?

La tutelle et la curatelle sont deux mesures judiciaires visant à protéger la personne et son patrimoine. Mais la tutelle est un régime plus protecteur : il est adapté aux personnes ayant perdu leur autonomie et qui ne sont plus en mesure d'effectuer les actes de la vie civile et de veiller sur leurs propres intérêts. La curatelle laisse quant à elle plus d'autonomie au majeur protégé, ce dernier ayant essentiellement un besoin de conseils et d'accompagnement pour certains actes de la vie civile. 

Qu'est-ce que la sauvegarde de justice ?

La sauvegarde de justice est une mesure immédiate de protection juridique d'un majeur par laquelle ce dernier conserve l'exercice de ses droits, certains de ses actes et de ses engagements pouvant toutefois être réduits ou annulés. Il s'agit d'un dispositif souple et le plus souvent de courte durée qui peut être décidé par déclaration médicale faite au procureur de la République ou par décision du juges des contentieux de la protection. Dans ce cas, le juge pourra éventuellement désigner un ou plusieurs mandataires spéciaux afin qu'il accomplisse des actes de représentation ou d'assistance de la personne protégée (utilisation d'un moyen bancaire de paiement, vente d'un bien immobilier...). En pratique, la sauvegarde de justice concerne généralement des majeurs dont les facultés mentales, physiques ou psychiques sont affaiblies ou altérées. En cas d'atteinte grave, ce dispositif peut constituer une première mesure rapide avant la mise en place d'une tutelle ou d'une curatelle.